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Récit d'une tragédie, le bombardement de Dresde (2

Henri Fernet

2/18/2005 1:36:00 AM

page 65]
Les hôpitaux avaient été touchés en premier lieu et leurs occupants, blessés
et soignants, y restèrent prisonniers du feu. Les réfugiés qui campaient
dans les rues purent, les premiers, courir vers les zones qu'ils espéraient
intactes, tandis que les habitants parvenaient avec difficulté à sortir de
leurs maisons embrasées.
Après deux heures d'incendie, une immense colonne de fumée se forma
au-dessus de la ville. Les zones d'embrasement de la vieille cité
atteignaient une chaleur de 1000° ; on ne pourrait d'ailleurs plus y accéder
avant. plusieurs semaines ! Tous ceux qui approchaient de ce typhon de feu
tourbillonnant à moins de 100 m étaient aspirés et entraînés comme des fétus
de paille.
Après quelques heures, le sommet de la colonne, chassée par un fort vent de
sud-ouest, se rabattit sur la partie est de la ville, vers l'Elbe. C'est à
ce moment-là qu'apparut la deuxième vague des 529 Lancaster. Il était 1 h 28
du matin, le 14 février.
Le premier pilote eut toutes les peines du monde à repérer son objectif au
milieu de cette ville en flammes, dont la partie est était noyée de fumée.
Impossible d'apercevoir les voies ferrées. Il n'y avait que deux zones
d'ombre:
l'Elbe et le Grosser Garten. Les rues étaient dessinées en lignes de feu que
l'on voyait jusqu'à 20000 pieds (7000 m) d'altitude. Le brasier de la ville
en feu, reflété dans le ciel, était visible à plus de 200 miles (322 km),
c'est-à-dire
jusqu'à une ligne Breslau - Ostrava-Broo-Linz - Salzbourg - Munich
Nuremberg - Francfort - Kassel - Hanovre - Hambourg Rostock - Stettin -
Poznan. Cela à une altitude de 7 000 m, ce qui veut dire que les habitants
de Berlin et de Prague virent très bien cet embrasement de Dresde.
Le chef de l'escadre s'efforçait de guider les groupes qui déferlaient
toutes les quatre minutes. Il fit viser en particulier le Grosser Garten qui
refusait obstinément de prendre feu (et pour cause !). La plupart des
bombes - quelques bombes explosives de sros calibre et surtout des bombes
incendiaires - tombèrent dans la zone déjà en flammes. Elles eurent pour
effet principal de désorganiser les premiers secours qui avaient réussi à se
mettre en place. Les flammes elles-mêmes étaient devenues visibles jusqu'à
mi-chemin de Prague, au-delà d'Aussig (Usti nad Leben) et Teplitz, au pied
des monts Métallifères.
Le plus beau raid de terreur (Terrorangriff) de toute la guerre s'achevait.
Le bombardement de Tokyo, le 10 mars 1945, fera 83793 morts et la bombe
atomique du 6 août 1945, 78150 morts à Hiroshima; Dresde compta 135000
tués.page 66]
Au total, les Britanniques avaient lancé sur la ville quelque 650000 bombes
incendiaires. Les pertes n'avaient été de leur côté que de 6 appareils
détruits, plus 10 contraints à l'atterrissage sur le continent, faute de
carburant.
Pour effectuer ce raid, les 774 Lancaster des deux premières attaques
avaient utilisé 1667 196 gallons d'essence (757816 litres), soit
l'équivalent
de la consommation d'essence de toute l'aviation allemande de l'époque
pendant dix-huit mois, ou de la consommation quotidienne de trente divisions
panzers au combat.
Afin de parfaire l'action, il avait été décidé que l'U.S. Air Force
lancerait à son tour sur Dresde 1250 Boeing (forteresses volantes) et
Liberator. Il s'agissait de l'opération Carnation (couleur chair).
Partis le 14 février, à 8 heures du matin, les bombardiers franchirent le
Zuyderzee vers 10 h 45, passèrent au travers de Kassel vers 11 h 30, puis
remontèrent l'Elbe de Torgau à Dresde. Les premières bombes tombèrent sur la
ville à 12 h 12. A 12 h 23, tout était terminé. 771 tonnes de bombes étaient
tombées sur Dresde.
Pour assurer la protection des bombardiers qui prenaient la route du retour,
trois groupes de chasseurs s'acharnèrent, à défaut de rencontrer la chasse
ennemie, à mitrailler les rives de l'Elbe où s'étaient rassemblés les
rescapés de la nuit précédente, et notamment les réfugiés qui se croyaient
enfin en sécurité au bord du fleuve.
Une partie de l'escadre était allée attaquer Chemnitz, mais le plafond était
si bas que des appareils s'étaient égarés au-dessus de Prague, de Cheb et de
Plauen qu'ils avaient bombardées par erreur.
Le bilan total était édifiant: Dresde était détruite en totalité sur 6 km2
alors que Londres n'avait été atteinte au cours de toute la guerre que sur 2
km2.
Le centre historique était anéanti. Le Zwinger, ensemble baroque, avec ses
galeries de peinture et ses collections de porcelaines, incendié. Le palais,
le château des rois de Saxe, l'opéra Semper, effondrés et brûlés. Le grand
hôtel Bellevue, écrasé sous les bombes. La coupole de la Frauenkirche
entourée d'une colonne de fumée s'était écroulée. La Hofkirche, l'Hôtel de
ville, la Georgentor, le Stallhof, brûlés et détruits. La Sophiakirche
n'avait
plus qu'une tour. Le beffroi réduit à son armature d'acier brandissait
encore le personnage qui, à son sommet, salue la foule. Sur 28410 logements
du centre (Dresde IV), 24866 étaient totalement détruits.
En quinze heures, les richesses de cinq siècles avaient été réduites en un
amas de cendres et de ruines.
Ce crime contre l'humanité n'avait aucune excuse. Winston Churchill qui
allait, dès après le raid, tenter de reporter sa responsabilité
[page 67]
sur les aviateurs, avait exigé « l'attaque directe du moral allemand ».
Pour les Américains, auxquels on avait annoncé que Dresde comportait
beaucoup d'objectifs militaires, D. J. Irving [The Destruction of Dresden,
Londres, 1963] a retrouvé une instruction curieuse remise au groupe 3 de
l'U.S.A.F.:
« Chemnitz est une ville située à environ 30 miles à l'ouest de Dresde;
c'est
un objectif plus petit. Vos raisons d'y aller sont d'achever tous les
réfugiés qui peuvent s'étre échappé de Dresde. » Précisons que, parmi les
objectifs militaires, la gare centrale était détruite, mais le trafic
ferroviaire reprit trois jours après le bombardement. Le pont ferroviaire
(Marienbrücke), sur l'Elbe, n'avait même pas été touché.
Par quelque approche que ce soit, on ne peut trouver aucune excuse à ce raid
de terreur qui n'abrégea pas la guerre d'un seul jour.


*

«Nous étions avec d'autres Français, prisonniers de guerre et volontaires du
travail, cantonnés à Aussig, raconte Robert G. C'est là que nous avons vu
apparaître le nuage de Dresde. Le 14 février, un vent violent soufflait du
nord-est et le cyclone de fumée jaune de près de 5 km de hauteur qui montait
de la ville fut charrié vers nous, en suivant l'Elbe. Nous savions qu'il y
avait près de 10000 Français à Dresde et nous nous doutions qu'ils
comptaient beaucoup de victimes.. Nous avons été, à 50 ou 60 Français,
volontaires pour aider les services civils au déblaiement des ruines.
«Lorsque nous sommes arrivés sur place, nous nous sommes trouvés devant un
spectacle hallucinant. Nous nous sommes déployés sur les berges très larges
de l'Elbe, et de là, jusqu'à la gare, on ne voyait que des ruines calcinées
et fumantes sur plus de 2 km.
« Les survivants nous racontaient leur odyssée. Leurs efforts surhumains
pour échapper au fleuve de feu qui coulait vers l'Elbe. Et puis, comment les
avions les avaient mitraillés sur les berges de l'Elbe où ils se croyaient
sauvés, près du fleuve.
« Sur les rives, on voyait traîner les cadavres de ceux qui avaient sauté
dans l'eau avec leurs vêtements en feu, mais brûlant toujours.
« Le fleuve de feu ne s'arrêtait pas au bord de l'Elbe. Il entrait dans
l'eau
qui longtemps continua à brûler. Cela ne se serait pas produit s'il n'y
avait eu que de quelconques bombes incendiaires. Celles qui tombaient
devaient contenir du phosphore ou du napalm qui seuls expliquaient
l'embrasement
du fleuve. »

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