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Récit d'une tragédie, le bombardement de Dresde (1

Henri Fernet

2/18/2005 1:35:00 AM

Ce texte est extrait de "La grande débâcle 1944-1945?, livre de Jacques De
Launay publié chez Albin Michel en 1985 (ISBN 2-226-02135-3).

1985, c'était il y a 20 ans; quelques années avant le début de la deuxième
ère politico-mystique. (La première avait duré une vingtaine d'années et
avait eu pour conséquence de jeter sept millions d'individus terrorisés sur
les routes, en mai 1940.) Ce livre est encore écrit dans un mode de pensée
qui est aujourd'hui disparu.

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Ce mardi 13 février 1945, les habitants de Dresde avaient fêté le Mardi
Gras - c'est une manière de parler. Malgré les ordres du gauleiter Martin
Mutschmann de limiter à 72 heures leur séjour dans la ville, les réfugiés
campent dans les rues ou couchent dans les immenses centres d'accueil que
tiennent les Jeunesses hitlériennes, garçons et filles, le Service du
travail du Reich et la Croix-Rouge, aidés par des femmes volontaires et des
écoliers.
Nul ne pense à la possibilité d'un bombardement aérien. Depuis janvier 1945,
la ville n'a même plus de défense antiaérienne, les canons de la F.L.A.K.
étaient alors partis vers Breslau et la Silésie pour renforcer les batteries
antichars. De nombreux services administratifs berlinois fuyant les
bombardements de la capitale s'étaient page 63]
installés à Dresde, et de très nombreux hôpitaux fonctionnaient à plein
rendement. Les prisonniers alliés étaient également nombreux dans la région:
plus de 25000 (Stalag et Oflag IV).
Les habitants de Dresde se rassuraient en affirmant qu'il existait entre la
R.A.F. et la Luftwaffe un accord tacite et secret: ni Dresde ni Oxford,
villes-musées, ne devaient être bombardées.
Ce jour-là, l'animation est intense dans le centre, entre la gare principale
et l'Elbe. Les magasins sont bien garnis et les civils déambulent dans les
rues étroites du quartier médiéval, dans le village italien, sur les pavés
de bois de la Prager Strasse ou sur la place de l'Altmarkt (vieux marché).
Le cirque Sarrasani donnait une grande représentation de carnaval et la
salle était comble. Le dressage des chevaux, le domptage des tigres étaient
le clou de la soirée. La population ignorait qu'elle ne devait le calme de
cette journée d'hiver qu'au plafond de nuages qui couvrait cette région de
l'Europe,
car l'attaque aérienne de Dresde avait été programmée pour le 12 au soir.
Les nuages se dissipèrent peu à peu, le 13 février dans l'après-midi, et les
météorologues prédirent que le ciel de Dresde serait dégagé pendant
plusieurs heures à partir de 21 heures.
4000 aviateurs de la R.A.F. furent aussitôt rassemblés et répartis en deux
groupes: 245 Lancaster de la 5e flotte; 529 Lancaster d'une seconde
formation.
Les premiers décollèrent d'Angleterre à 17 heures. Les seconds à 21 heures.
A Dresde, les signaux d'alerte retentissent à 22 heures. La direction du
cirque Sarrasani charge les clowns de l'annonce aux spectateurs, ce qu'ils
font avec force plaisanteries.
Et c'est en se tordant de rire que le public gagne les abris à pas lents.
Pour y retrouver les centaines de milliers de réfugiés qui campent là ou
dans les jardins publics.
A 22 heures, le pilote du bombardier de la première escadre, le
lieutenant-colonel Maurice A. Smith, est à bord de son Mosquito, à 7000 m
au-dessus de Dresde.
A 22 h 3, quatre bombes éclairantes vertes s'àllument au bout de quatre
parachutes. Les quatre Mosquito chargés de baliser la zone à bombarder sont
donc bien au rendez-vous.
Smith pique jusqu'à 3000 m au-dessus des toits et fait signe aux éclaireurs.
Les Mosquito lâchent alors des balises rouges qui sont en place à 22 h 9.
Le colonel Smith donne aux bombardiers l'ordre d'attaque.
Ceux-ci volent à 4000 m. Il n'y a aucune riposte de la défense anti-

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aérienne. puisqu'elle n'existe pas. Aucun projecteur n'éclaire non plus les
avions, mais les balises rouges illuminent toute la ville jusque dans ses
moindres recoins. Dresde est une ville ouverte, sans défense.
Néanmoins, les éclaireurs lancent par centaines de milliers des feuilles de
papier d'étain de 27 cm de long (appelées windows) qui ont pour effet
d'égarer
les radars de la D.C.A. et des chasseurs: chacun de ces papiers produit le
même écho qu'un avion et empêche de repérer les bombardiers. Mais il n'y a
pas plus de chasseurs que de D.C.A.
Les grands axes routiers que discernent les observateurs à bord des avions
sont en réalité les colonnes de réfugiés bloquées dans la ville.
Les premières bombes tombent à 22 h 13. Ce sont des projectiles explosifs de
2000 à 4000 kg qui visent à briser les vitres et à arracher les toits pour
rendre la ville parfaitement combustible.
Ces bombes larguées, chaque avion, après avoir repris son équilibre, ouvre
ses casiers de bombes incendiaires, cinq de 375 kg par appareil. En fait,
l'escadre
transporte environ 75 % de bombes incendiaires.
A 23 h 21, la première attaque était terminée.
« J'étais dans la cour de notre casernement, au nord-ouest de la ville,
raconte Robert G., un jeune déporté du Travail obligatoire.
« Tout de suite, la ville prit feu sur une grande étendue. On y voyait plus
clair qu'en plein jour. Les flammes montaient et semblaient courir comme un
véritable fleuve. J'ai eu la certitude que ma dernière heure était arrivée,
que jamais je ne reverrais mon pays.
C'était l'apocalypse!
« Fallait-il se cacher, fuir à toutes jambes ? Nous étions statufiés,
presque contraints de rester sur place. Ce bombardement de vingt minutes
parut durer des heures, mais nous étions incapables de réagir. » Les
immeubles prenaient feu les uns après les autres. Les flammes
rejaillissaient des maisons dans la rue qui elle-même plusieurs rues du
centre étaient pavées de bois - s'embràsait. En 1977, plus de trente ans
après les faits, nous avons vu les traces des flammes sur les vestiges des
murs.
Des rues du centre, le fleuve de feu coulait vers l'Elbe en creusant son lit
à travers les routes les plus courtes.
Les habitants couraient dans toutes les directions, cherchant à rejoindre
soit l'Elbe, soit le jardin public (Grosser Garten), aussi vaste que Hyde
Park, qui semblait miraculeusement préservé.

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